L’église Saint-Martin de Xhoris

(Merci à Béatrice Rollin-Duckerts)

Les visiteurs étrangers qui pénètrent dans notre église sont souvent frappés par son architecture très particulière et son caractère accueillant, lumineux et chaleureux, incitant au recueillement autant qu’à la rencontre fraternelle.Sans doute, cet aspect est-il important pour nous.

Mais l’église n’a pas toujours été appréciée.

Le docteur L. Thiry, en 1938, est loin de chanter ses louanges : « De l’église nous aurons peu de chose à dire. Ce malheureux édifice nous serait parvenu dans une forme modeste mais acceptable et sa silhouette générale présente encore des lignes qui l’apparentent quelque peu aux capellae romanes de la région- si une malencontreuse modernisation avec reconstruction partielle en briques ne l’avait, en 1821, assimilé aux temples « style fabrique » (comme disait je ne sais quel professeur de séminaire), dont ce siècle malheureux a essayé d’enlaidir beaucoup de villages de notre pays. Une municipalité atteinte d’une anachronique mégalomanie est en train de mettre le comble à ce vandalisme en recouvrant, sous prétexte d’embellissement, les murailles extérieures d’un enduit bleu à joints noirs sur les parties en pierre apparente, et d’un enduit rose- carmin sur les murs en vieilles briques patinées ; un rejointoyage « à la hollandaise » achèvera le camouflage malencontreux de la malheureuse église. Gaspillage et trompe-l’œil auxquels les pouvoirs publics auraient dû s’opposer. Les lignes du plan primitif paraissent avoir délimité un vaisseau rectangulaire terminé par une abside semi-circulaire ; les modifications subséquentes ont mis l’architecte dans l’obligation de placer six colonnes, deux vers le chœur, quatre à l’extrémité opposée, afin de donner un soutien à deux arcs placés latéralement ainsi qu’au jubé ; conception qui n’aurait a priori rien de blâmable si ces arcs n’avaient servi de prétexte à de petites baies romano-byzantines d’un assez curieux effet et à de grands demi-œils-de-bœuf dont la vue fait irrésistiblement penser aux splendeurs de l’architecture industrielle du dernier siècle : salles de machines ou gares de chemin de fer. De loin, on n’aperçoit pas les détails et le rappel du style roman est frappant. » (L. Thiry, Histoire de l’ancienne seigneurie et commune d’Aywaille, première partie, tome II, 1938).

Ce jugement nous parait bien sévère, et nous laisse assez perplexe : on cherche en vain des traces de style roman dans cette église !


Dans la région, seule l’église de Dalhem, qui est de la même époque, présente une architecture semblable. L’édifice actuel est contemporain de l’indépendance de la Belgique, comme en atteste une inscription au bas de la colonne de gauche face au chœur : R. DE SELYS BOURGMESTRE 1831. Le plan est en croix grecque, avec une demi-coupole au-dessus du chœur. Une curieuse coupole centrale surmonte la nef, comme un souvenir du baroque. Mais l’ensemble de l’intérieur de l’édifice est plus proche du style néo-classique. L’église compte 16 faux chapiteaux et 4 vrais ; les premiers ont été repeints en blanc lors de la rénovation de 2001, et les seconds en vert et or. Ces chapiteaux, tous semblables, sont d’inspiration orientale, avec feuilles d’acanthe et de lotus. Quant aux confessionnaux, ils doivent aussi être contemporains de la reconstruction.


L’église garde cependant des traces d’époques antérieures. Ainsi, on peut voir devant les autels latéraux trois lames funéraires. A gauche, l’une porte l’inscription suivante : ICI REPOSE HONNETE MARGARITTE LAGALY - DECEDEE LE JANVIER 1681 ET SIMON SON FILS MORT LE 1er MARS 1686. Juste à côté on trouve une lame funéraire plus ancienne ; malheureusement elle a été martelée pour une raison inconnue. On y distingue encore une silhouette de prêtre drapée dans une longue chasuble souple et tenant en main un calice gothique. Ce détail laisse supposer qu’elle est antérieure aux prescriptions liturgiques du Concile de Trente (1545-1563).


Devant l’autel de droite, la lame funéraire a elle aussi été martelée et l’inscription est presque illisible. On y distingue encore des traces d’armoiries. Des restes de lames funéraires sont aussi visibles au pied du confessionnal de gauche.
Les quatre colonnes de la nef reposent sur des socles en pierre qui sont certainement beaucoup plus anciens ; ils ont très probablement été récupérés lors de la reconstruction de l’église. Ainsi, le socle de la colonne portant l’inscription mentionnée plus haut est-il posé sur des briques. Les colonnes elles-mêmes sont constituées de matériaux disparates recouverts de plâtre.


Il reste aussi des éléments du XVIIIème siècle ou du début du XIXème siècle : la statue de la Vierge de l’autel latéral droit et le linteau de la porte de la sacristie, sur lequel on peut distinguer des traces de dorure.


Quant aux anges, les petits qui surmontent le tabernacle datent du XVIIIème siècle, peut-être du XVIIème. Les anges posés de chaque côté du chœur sont plus grands et plus récents, ils datent de la fin du XVIIIème, ou du début du XIXème. Tous ces anges sont en bois recouverts de plâtre, technique courante autrefois, qui permettait de préserver le bois des insectes xylophages, à une époque où on ne disposait pas de produits adaptés. Ce plâtre lui-même est peint.


Le grand Christ suspendu au-dessus du chœur est aussi du XVIIIème, ou du début du XIXème. Ce Christ, qui a été déplacé trois fois ces dernières années, est posé depuis 2001 sur une croix de chêne, oeuvre de M. René Siquet.


Quant aux autels latéraux, il est difficile de les dater. On s’interroge sur leur provenance. Ils sont peut-être antérieurs à l’édifice actuel. Sans doute ont-ils été rapportés, car leurs dimensions ne semblent pas correspondre à celles de l’église. On peut y voir des chapiteaux composites, avec volutes d’inspiration ionique et une ove soutenant l’abaque. La statue de l’autel de gauche, difficile à dater elle aussi, représente saint Hubert, celle de gauche la Vierge, comme nous l’avons déjà mentionné.


L’église a subi pas mal de modifications depuis sa reconstruction. Il semble y avoir eu une campagne de rénovation dans la seconde moitié du XIXème siècle. Les vitraux (l’un d’eux porte les dates de 1868-1893) remontent à cette époque ; certains ont été offerts par des paroissiens, comme des inscriptions en attestent. Ils représentent à gauche saint Hubert, le Sacré-Cœur et sainte Marguerite-Marie Alacoque, enfin saint Martin, patron de la paroisse ; à droite Saint-Lambert (nom précisé par Monsieur l'Abbé J. Vandenbosch), Notre-Dame de Lourdes et sainte Barbe. Sont contemporaines la porte du tabernacle et les statues en plâtre de la nef, peintes en blanc depuis 2001; on peut y reconnaitre à gauche saint Antoine de Padoue et saint Hubert, et à droite sainte Barbe et saint Joseph.


L’église avait aussi un important mobilier probablement en partie antérieur à sa reconstruction, si l’on en croit les rares fragments qui ont été conservés. Ce mobilier a été enlevé dans les années 60. Le mobilier actuel du chœur date des années 90.
Cette notice a été rédigée avec l’aide d’Yvon Rollin, trésorier de la fabrique d’église, et du chanoine Pierre-Louis Navez, conservateur de la cathédrale de Tournai, que je remercie. Toutes vos remarques et informations seront les bienvenues.


Béatrice Rollin-Duckerts

Un petit diapo de l'intérieur de l'église actuelle :

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